Parler tout seul n’a rien de dingue, c’est même efficace *

Tout le monde a déjà exprimé une pensée tout haut sans même forcément s’en rendre compte. Et si parler tout seul est si répandu, c’est bien parce que ce discours auto-dirigé a une utilité.

La mère de Clémentine, 33 ans, a la fâcheuse habitude de commenter tout haut ce qu’elle fait. « C’est un flot continu de paroles, comme si la télé était allumée. » Héloïse, 26 ans, aussi: « J’aime bien me dire à moi-même ce que je fais. » Bien sûr, tout le monde n’est pas constamment en train de parler tout seul. Mais cela nous est tous arrivé, dans des tas de situations.

Par Daphnée Leportois

Un phénomène courant

Pour Jacques, 60 ans, c’est entre autres quand il a égaré quelque chose chez lui ou ne sait plus où il a garé sa voiture: « Il m’arrive de me dire: ‘D’habitude, je le mets là’, de réfléchir tout haut à la dernière fois que je l’ai vu. » Barbara, 27 ans, va, elle, se parler à voix haute quand elle est très stressée: « Je vais essayer de me calmer en me disant: ‘Tout va bien se passer…’. » Pour Nathalie, 24 ans, c’est quand il faut se motiver: « Pour toutes les choses que je n’ai pas envie de faire sur le moment, par exemple quand j’ai du mal à me préparer le matin, je me dis: ‘Allez!' » Quand elle commet une maladresse, les mots de Nathalie sont plus réprobateurs: « Je m’écrie ‘ça m’énerve’ ou ‘je suis une boloss’. »

Ces exclamations ou réflexions à voix haute ont surtout lieu quand ces personnes sont seules. Entre autres par peur du regard d’autrui, explique Barbara: « J’ai tendance à juger les personnes qui parlent en marchant dans la rue. Et donc à me taire brusquement si cela m’échappe alors qu’il y a des gens autour de moi. »

LIRE AUSSI >> « Se plaindre, c’est avant tout une manière de réclamer de l’amour »

Du ‘je’ au ‘tu’ en passant par un ‘on fédérateur

Parler tout seul peut en effet être perçu comme un signe de folie, confirme Sébastien Dupont, psychologue auprès d’enfants, d’adolescents et de leurs familles, entre autres auteur de Seul parmi les autres: le sentiment de solitude chez l’enfant et l’adolescent (éd. Érès): « En psychiatrie, le soliloque, c’est-à-dire le discours qu’une personne seule se tient à elle-même, est l’un des premiers signes diagnostiques isolés de la schizophrénie ou de certaines formes de psychose. Il est donc très associé dans l’imaginaire à la folie. » En savoir +