Le bourdon : l’universel

Extrait du site Compagnie Beline

Une monodie de quelques notes, collectée en Bretagne, en Auvergne ou en Ardèche, chantée sur un bourdon, lovée dans ses sons harmoniques, construite en “tension – détente” par rapport à celui-ci, sera absolument gracieuse, émouvante, charmante. Les mêmes quelques notes sur le clavier d’un piano paraitront bien simplistes aux musiciens non avertis, qui ne manqueront pas de le faire remarquer…

C’est évident : jouer ou chanter un échelle tempérée sur un bourdon, c’est insupportable, et ce n’est pas un jugement de valeur qui nous l’expliquera le mieux, c’est l’acoustique et cet instrument infiniment précis : l’oreille.
Au delà de la prise de conscience de l’importance des échelles non–tempérées, la magie du bourdon est précisément dans la pertinence de la relation de chaque note comme sélection des sons harmoniques de celui-ci.

Sans omettre que pour les atteindre, d’autres sons peuvent prendre d’autres chemins :
“Nous nous excusons humblement auprès de nos lecteurs de n’avoir pu traduire avec les sept notes de la gamme, même affublées de dièses et de bémols, ces particularités (quarts, trois-quarts de ton, etc..) et de les avoir remplacées par ce qui nous a paru en être le plus approchant…” (Barbillat et Touraine (1912) –Préface de : Chansons populaires dans le Bas – Berry)

Pour le chanteur, faire sonner un bourdon, ce n’est pas uniquement chanter une note, c’est aussi poser sa voix de telle façon qu’elle fasse entendre le premier son harmonique audible, à savoir la quinte. Pas une quinte “apprise” au préalable, mais une quinte “entendue” dans le bourdon. C’est à ce prix que l’autre, celui qui tiendra la monodie, pourra sans souci, poser délicatement les différentes notes qui en font l’échelle, car le son unique du bourdon contient tous les autres. Le timbre vocal en cohérence avec la sélection des sons harmoniques, la voix, colorée par la présence de ce fondement incontournable, s’en trouveront modifiés, souvent inconsciemment. On retrouve cette manière d’envisager la place des notes, dans beaucoup de familles d’instruments : le renforcement des sons harmoniques, et particulièrement la quinte, est favorisée dans certaines cornemuses par l’utilisation des deux tuyaux accordés à une octave.

Le bourdon, c’est un cursus à lui tout seul, une culture que l’on peut construire dans l’intimité la plus émotionnelle qu’il soit, dans le partage le plus large, c’est aussi la stabilité en majesté. Installé sur cette terre de prime abord lointaine, nous n’y voyons plus que confort, cohérence, continuité, évidence, avec le plaisir intense d’y rester. en savoir +